top of page
Fabienne Zufferey-Corbaz

Les savonnettes

Pour écouter ce texte, cliquez ici.


L’avion l’embarquait pour un examen, seulement un examen d’entrée dans une université du Québec. Ensuite, elle reviendrait…

Le terrain était glissant.

Pour elle, un résultat positif signifiait une immigration.

Pour moi, il installait 6000 km entre nous.

Elle a réussi!


Le hasard, cette étoile qui nous tire par la main et œuvre à pas feutrés, a placé sur mon chemin des parents dont l’enfant s’était expatrié pour les mêmes raisons.

Je les voyais heureux dans cette relation remplie d’inattendus.

Les voyages, les rencontres fébriles d’impatience, les expériences partagées, les courriers du cœur, les colis surprise et le temps qui fait mûrir toute chose.

J’ai décidé d’adopter le modèle constructif de ces familles.

J’entamais à mon tour ce chemin de promesses incertaines, un peu comme une savonnette délicieusement parfumée qui glisserait d’entre les mains.


Il y a vingt ans, l’avion a décollé pour de bon, l’amour a retenu son retour, le Québec a souscrit à son inspiration. Ma fille avait choisi sa vie, j’étais fière de son courage, de sa détermination, ce qui dilatait mon cœur serré. Mon rôle de maman, de belle-maman, de grand-maman serait vécu autrement, ouvert à d’autres possibilités.


À chaque traversée de l’Atlantique, je recevais une savonnette comme il n’en existe nulle part ailleurs. L'une m'attendait à mon arrivée au Québec, l'autre je l'emportais lors de mes retours en Suisse. Sa douceur et son parfum m’enveloppaient d’une reliance qui nettoyait les brins de nostalgie. Un parfum de sa Province, de sa coquette maison, de nos séjours en commun. L’odorat parle si fort avec le cœur!

« L’autre possibilité » détenait son trésor, nous ne le savions pas encore.


Pas de shopping ensemble, ni de pause-café, ni de jasette, pas même de petits services rendus au quotidien. Mais quel cadeau se profilait!

Nous avons dû nous rendre au-delà de nos cinq sens. Nous en étions capables.

Les choses de la vie, nous les apprivoisions en profondeur. Les joies, les peines, nos ascensions, nos creux de vagues, nos différences, nos similitudes, tous nous les avons placés sous le signe de nos évolutions respectives, de notre évolution commune également.


Je suis la maman de Mayline, elle est ma fille. Il en sera toujours ainsi.


Mais au-delà ou au-dessus de ces rôles terrestres, nous nous retrouvons dans un espace plus vaste, celui de la Conscience. Nos pensées circulent d’une maison à l’autre pour un même monde qu’il nous tient à cœur de soigner. Nos téléphones témoignent de cette orientation commune qui nous laisse à coup sûr, un éclat d’énergie. La séparation n’est pas !


Vingt ans se sont écoulés sans que le temps s’y inscrive. Ce matin, le facteur a déposé un colis dont le parfum traversait ses parois. Mes narines le connaissaient si bien. À l’intérieur, mes savonnettes préférées. Elles s’étaient affinées, leur forme avait changé, pas leur essence.


Dans le message de ma fille, j’ai pu lire :


Je cite : "En août, je célébrerai mes vingt ans de vie au Québec.

Vingt ans que nous échangeons autrement, en œuvrant l’une et l’autre sur deux continents, pour une seule et même terre qui mérite qu’on s’y attarde.

L’univers est vaste, en dehors, en dedans…quel cadeau que de pouvoir voyager et explorer avec toi." Fin de citation.


Le parfum de la vie est constant, comme les savonnettes.

Leur forme peut changer, glisser d’entre nos mains, nous faire peur un instant, puis s’y retrouver à nouveau pour une nouvelle étape, une perception plus juste de ce qui nous entoure et pourquoi pas, une prodigieuse histoire!

Comments


bottom of page