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  • Fabienne Zufferey-Corbaz

Le coucou

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J’aime plutôt bien le supermarché de ma région, parce que je connais son parcours et m’y rends dans une totale routine qui me permet l’évasion.

Bien plus que ses produits gourmands, j’observe les personnes autour de moi, comme si je les saluais. Je les salue silencieusement chaque fois que de mes yeux, je consulte une partie de leur histoire, telle une caméra.


Le supermarché déclenche en moi bon nombre d’émotions qui me racontent la vie dans tous ses aspects. Il rassemble un échantillon du monde et me confie la diversité dans une apparente uniformité. L’escaltor laisse défiler son cortège de fidèles, tandis que de celui d’en face, je déchiffre les expressions des visages, je commente les tenues vestimentaires, j’extrapole les personnalités. Tout ceci touche ma sensibilité, je les enveloppe de bienveillance et laisse vivre ce sentiment qui me traverse.


Ce jour-là, au haut de l’escalier, ma bienveillance s’est effacée face à une petite fille dont la voix tonitruante accaparait désagréablement tout l’espace.

Une maman, un bébé et cette grande sœur de cinq ans environ qui tournoyait de tous ses membres autour du chariot encore vide.

La patience était épuisée, la dame aussi, et j’observais la colère prendre le relais.

Il est des situations où les solutions sont si minces, qu’on s’accorde à les supporter.


Bien qu’agacée, je me trouvais dans une grande compréhension, me rappelant que malgré la bonne éducation que j’avais envisagé de donner à mes enfants, je n’avais pas échappé à une telle confrontation, à la crainte du jugement des autres et à mon insoutenable impuissance.


Soudainement, un oiseau bien connu s’est mis à chanter. Chercher un coucou dans un centre commercial est peu courant et pourtant, je l’entendais puissamment de mes deux oreilles.


La petite fille s’était tue instantanément. Comment avait-elle pu passer de sa crise gesticulaire et sonore à un immobilisme silencieux ?


A quelques mètres d’elle, un monsieur âgé tenait ses deux mains devant sa bouche et de leurs mouvements précis, laissaient filtrer le son du coucou formidablement imité.

Ce monsieur providentiel avait en un clin d’œil transformé la turbulence en apaisement.

Je m’étais laissée, moi aussi, enjouée par le chant du coucou.


Un psychologue aurait sans doute donné un bon conseil à cette maman, à toutes les mamans qui cherchent à gérer une crise de leur enfant.

Ces deux petites notes, une simple tierce mineure répétitive avait obtenu autorité sur le charivari de cette fillette.

Ce chant du coucou était animé par un être vivant. Il était propagé avec l’intention d’entrer en contact, de reconnaître un besoin et d’y répondre par un geste que seul le cœur peut prescrire.


Ce Monsieur s’est servi du modèle de la Nature, cette source intarissable d’harmonie et d’équilibre, qui porte en elle les parfums, les couleurs, les sons, les mouvements qui caressent nos neurones et propagent le plaisir et la paix.


Elle est un remède qui sait déjouer les perturbateurs en transit.


Dans l’animation d’un centre commercial, le chant d’emprunt du coucou a réuni dans la cordialité, cet homme et cette enfant que rien ne rattachait.

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