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Fabienne Zufferey-Corbaz

Le contrat

Je n’aime pas changer de voiture parce que toutes ont une histoire singulière. Celle-ci s’est faite la dépositaire de quelques-unes bien charmantes dont elle gardera le secret.

Toutes sont devenues des amies fidèles qui m’ont véhiculée sans relâche, sans horaire, au gré de mes plaisirs, de mes projets, de mes obligations aussi.

En plus de leur composition matérielle et technologique, je leur ai donné vie puisqu’elles ont été témoins de la mienne. Je n’oublie jamais de les remercier avant de les déposer entre d’autres mains.


Au passage et par hasard, mes yeux se sont arrêtés sur un modèle plus jeune dont la parure rouge m’a séduite au premier regard.


Je n’ai pas le sens des affaires et mieux que cela, je ne le souhaite pas. Une petite idée dans le coin de ma tête est largement suffisante. C’est elle qui va réceptionner mon intuition et maintenir mon esprit ouvert. Dans les affaires, j’entretiens la pensée que chaque partie doit trouver satisfaction.


Ce matin, j’ai rendez-vous avec le garagiste.

J’essayerai la nouvelle voiture pendant que la mienne sera évaluée, puis j’attendrai par courrier une offre bien ficelée, argumentée, sous pesée qui tiendra compte des failles et des mérites des deux engins minutieusement explorés.


Évidemment, rien de cela ne s’est produit!

Dans l’instant, le garagiste a relevé les avantages de mon véhicule, ses options, la qualité du tissu des sièges et quelques atouts qui au final me rendaient presque hésitante à l’idée de m’en séparer.

La belle ne présentait aucun signe de vieillesse bien qu’elle ait sillonné bon nombre de routes de mon pays, de chemins montagneux, de forêts, de villes et villages.


Je suis partie en balade avec la prétendue, histoire de nous ajuster l’une à l’autre, même si la ressemblance à sa sœur aînée était flagrante.

À notre retour, une offre manuscrite était prête. Sur une feuille de bloc note, j’ai pu lire deux mots accompagnés de deux chiffres.

Tout le reste s’est prononcé oralement. Ce fut ma meilleure garantie!


Je me suis souvenue du menuisier-charpentier de mon ancien village qui avait établi son devis pour la réfection complète de notre toit, sur un petit calepin qu’il tenait dans sa poche.

Peut-être ne gaspillait-il pas le bois?

Dans sa tête tout était clair, nous le pressentions.

Le verre de l’amitié avait fait office de signature. Aucune méfiance, aucun contrôle n’étaient de la partie. Le contrôle, le maître de chantier l’exerçait naturellement depuis des décennies.

Tel un chef d’orchestre, nous l’avons vu articuler tous les corps de métiers, jusqu’à notre dame de ménage dont il fallait respecter le travail.


J’étais nostalgique de cette crédibilité de la parole et la voilà qu’elle se présentait à nouveau.

Bien plus simple que la réfection d’un toit, c’est toutefois le principe du contrat oral qui m’attirait. Si peu accessible aujourd’hui, j’ai le sentiment que la garantie des choses bien faites ne dépend pas du nombre de pages à signer ni des ennuyeuses et interminables conditions générales, à lire dans le meilleur des cas. Elle est de l’ordre de la responsabilité engagée d’une personne visible.


La fameuse simplicité recalée au rang de l’ancienneté me ravit toujours.

Elle n’exclut nullement la transparence des données ni la précision des factures.


Quelques jours après l’adoption de ma nouvelle voiture, j’ai reçu en personne et autour d’un café l’agent d’assurance qui m’a proposé les plus beaux itinéraires des bisses du Valais et…la signature de mon nouveau contrat.


Une affaire agréablement classée!

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