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  • Fabienne Zufferey-Corbaz

L'épicier


Cette anecdote se passe au mois de novembre, dans un tout petit village français, au bord du Doubs.

Bien que le ciel offre un bleu azur, les températures n’affichent guère plus de trois degrés au meilleur de la journée.

Une petite épicerie de fortune…mais sans fortune, m’invite à satisfaire ma curiosité.

Quelques produits courants, de bonnes spécialités artisanales et surtout, l’absence de chauffage !

Une ancienne cave, bien fraîche en été, mais bien trop froide en hiver!

Le temps de jeter un coup d’œil général et voilà qu’un vieux monsieur pénètre à son tour dans la boutique.

Le propriétaire! D’où sort-il? De quel endroit m’a-t-il vue entrer?

C’est là que mon esprit se heurte à la réponse!

L’épicier se tenait juste en face, de l’autre côté de la rue, dans sa voiture. Elle est son refuge.

De temps à autre, il fait tourner le moteur de son véhicule pour se réchauffer.

C’est un vieux Monsieur qui ne possède pas une bonne doudoune comme on en voit partout. Il est vêtu d’une veste en lainage sous laquelle un gros pull l’étrique et le fige dans cette épaisseur de tissu. Au-dessous du bonnet mis de guingois sur sa tête, je rencontre ses yeux bleus et son large sourire.

Le petit épicier de la petite boutique me touche droit au cœur.

Il parle tout naturellement de sa condition de travail. Pas de plainte, juste une description.

Je pense…

« Nous ne sommes qu’au début de l’hiver. Combien d’heures encore au volant de sa voiture immobile?

Combien d’heures à attendre le client qui lui permettra de dégourdir ses jambes et d’encaisser quelques sous?

J’estime cet homme! Je ne lis pas dans son esprit ni dans son cœur, mais il est là, fidèlement de jour en jour, de mois en mois, d’hivers en hivers, l’été étant plus clément.

En fin de journée, l’épicier propose son vin chaud. Sa boutique se transforme alors en lieu d’accueil.

Quelques touristes peut-être, quelques fidèles certainement se réchauffent les mains autour du gobelet dont l’odeur de vin épicé engage d’amicales banalités; du temps qu’il a fait, on passe à l’humour qui détend et rassemble encore mieux les sympathisants.

Au 2ème jour, je reviens dans la petite cave à l’heure du vin chaud. « Je vous l’offre » me dit l’épicier.

Je me suis sentie des leurs, deux jours avaient suffi !

Puis, selon l’habitude de la maison, je puise dans le grand sac à pain, mon petit déjeuner du lendemain. « Il est d’hier » me dit-il, je vous le donne.

En quelque trois minutes, le vieil homme aux vieux habits avait « revêtu » trois magnifiques qualités :

Le sens de l’amitié, la générosité et l’honnêteté!

Il était entouré de valeurs sûres, celles qui laissent bien, indépendamment des circonstances extérieures.

A mes yeux, le petit épicier de la petite boutique est un grand homme!

Mon article pourrait se terminer là, seulement au terme de la journée, je regardais une émission télévisée sur la fantastique aventure de Solar Impulse. Deux hommes extraordinaires et leur équipe ont fasciné le monde. Ils ont défié l’impossible et prouvé que l’énergie naturelle aura toute sa place dans les temps à venir.

Je vois non sans sourire, l’envergure et la prestance de Bertrand Piccard et d’André Borschberg, face à l’allure de l’épicier du petit village.

Les hommes, dans leur grandeur... la voie du cœur les rassemble, le jugement les classe, l’équanimité les observe.

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