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Fabienne Zufferey-Corbaz

Le camouflage

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Salut, ça va?

Bien, merci et toi?

Bien-bien merci!

Ce n’est pas l’endroit ni le moment sur lesquels on s’arrête.

La formule de politesse est bien jolie, un peu plus conviviale qu’un simple « salut ».

Dans les couloirs et les rues, il n’y a ni véritables questions ni véritables réponses, juste un salut élargi.

Parfois, « je vais bien » est sous-estimé tellement le bonheur est grand!

Comme une envie de dire au monde : je vais merveilleusement bien!

Il est aussi surestimé lorsque les soucis quotidiens se sont infiltrés dans le parcours d’une journée qui aurait pu être belle.

Et malheureusement, celui qui renvoie au constat d’une totale incohésion, lorsque

« je vais bien » a pris la place de « je vais franchement mal ».


En d’autres lieux, notre attention, notre présence à l’instant pourrait se faire entendre avec davantage d’écoute et de sincérité, au risque de camoufler un signal opportun.

Après le signal vient l’alerte puis, l’installation d’une manifestation désagréable qui au final, invite, elle aussi, à l’écoute minutieuse de nos profondeurs.


À un moment précis, alors que je me trouvais en présence d’une personne chère à mon cœur, j’ai joué la bonne humeur et le contentement. Mon rôle a sans doute été tenu,

ma contradiction insoupçonnée, bien qu’une personne avertie aurait à coup sûr décelé la fraude.

Je me souviens de la nécessité de mon attitude, celle de me maintenir debout face à la blessure. Je me souviens de la douleur de cette comédie.

En réalité, j’ai eu la chance de recevoir un message clair. Je ne me mentais pas, je n’occultais rien, je savais que ce tableau m’offrait l’opportunité d’une mise à jour, au grand jour de mon camouflage.

Tout ceci était douloureusement très bien!

À la question : Ça va?

Je me suis répondue : non!


J’ai observé si souvent le rire couvrir la tristesse, l’assurance cacher l’humiliation,

la gaillardise se moquer de la frustration et tant d’autres mimes que le corps sait utiliser.

Il a ses raisons!


Faire, « comme si… » est une manière de déposer pour un temps une vérité encombrante, une émotion malvenue sur un terrain fragile.

« Faire comme si… » peut même donner le coup d’envoi pour un mieux-être momentané.

Tout ceci est très bien!

Tout n’est pas toujours aussi clair.


Soyons attentifs, il arrive que le mime ne distingue plus son rôle de sa réalité. Il entre dans la mise en scène pour ne plus en ressortir. Elle devient son monde, pendant que sa vie s’aguille sur un strapontin.

Mal assis, il se répète : regarde-moi, je vais bien! Peut-être même qu’il en est certain.


Nous sommes individuellement et collectivement concernés par ce phénomène, chacun à sa mesure.

Pourtant « je vais mal » est un si bon allié!

Non pas que quelqu’un ou quelque chose soit à blâmer.

Quelque chose en nous est à écouter avec toute l’attention du coeur, avec toute l’attention que le Soi nous porte. Le Soi, cette partie de nous la plus élevée qui fusionne avec l’Univers et Ses lois. Sans cesse elle nous renvoie à notre Vérité faite pour respirer, pour briller de son propre chef, de son propre choix.

Souvent dans le « je vais bien qui va mal » la controverse est insoupçonnée. Comme un camouflage qui rendrait service.


Je me méfie du flot de divertissements, de la surdité, du contour, de l’aveuglement.

La grenouille était si bien dans son bocal devenu opaque. L’histoire la raconte aussi dans son eau dont la température montait gentiment jusqu’à l’insoutenable chaleur.

Combien de « je vais bien qui va mal » faudra-t-il prononcer avant de consulter son propre baromètre, son propre discernement?

La zone du collectif nous enseigne que trop bien à entrer dans les rangs.


Pourtant, avant le collectif, il y a soi.

Prendre soin de soi et bien au-dessus des plaisirs et du temps que l’on s’octroie.

Prendre soin de soi c’est vivre sa nature authentique, pour le bien de tous, jusqu’à celui du monde. La Lumière de chacun y contribue.

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